Retrophotographie

Afin d’observer et de démontrer l’évolution du paysage, on peut se servir d’une documentation ancienne, de préférence une photographie, pour sa capacité à témoigner du passé. Il s’agit ensuite de répéter à l’identique la prise de vue et de comparer les résultats.

La stratégie éducative et jouissive du hier et aujourd’hui est particulièrement efficace car elle propose une double preuve, en particulier si les points de vue sont rigoureusement identiques. Photographié deux fois, par deux individus qui ne se connaissent pas, et pour un résultat photographique absolument semblable, le sujet (paysage) acquiert une présence, une réalité incontestable. C’est un geste scientifique!

Il ne faut pas oublier cependant que les résultats obtenus sont bien le produit d’une décision photographique; d’un choix formel dont les critères peuvent se situer dans l’art, l’expression, la documentation ou la référence.

Les photographies d’origine (hier) utilisées dans le cadre de cette partie de l’étude sont des vues de villages tirées de l’industrie de la carte postale. Leur intérêt réside dans leur systématique et leur unité formelle, ainsi que dans leur absence de préférence géographique. La production de ces images ne répondait pas à des critères esthétiques, mais plutôt documentaires. Il s’agissait d’offrir une information sur le lieu où se trouvait l’expéditeur. À une époque où la cohésion nationale était indispensable, les villages du Canton de Vaud accueillaient de nombreux Suisses alémaniques, en stages linguistiques ou dans l’exercice de leurs obligations militaires. Il fallait offrir à ces gens la possibilité de situer visuellement à leurs proches leur cadre de vie. On remarque d’ailleurs que certaines cartes portent des croix qui situent précisément le foyer provisoire.

Les villages sont un enjeu important dans l’évolution du paysage. Ils servent généralement d’ancrage aux implantations résidentielles. Connectés au réseau routier ou même ferroviaire, dotés d’une vie associative et de quelques commerces, ils offrent souvent des conditions d’installation intéressantes sur le plan financier. On a donc pu observer de véritables bouleversements dans l’apparence de très nombreux villages, sous la pression foncière, en particulier dans la proximité des villes ou des axes de communication.

La place du village, ou la rue principale, regroupe autour d’elle des ensembles bâtis et forme ainsi le noyau villageois. Ce noyau possède une masse critique au-delà de laquelle sa cohérence disparaît. Il devient ainsi illisible. Le développement des villages, par leur difficulté à s’organiser spacialement conduit souvent à la disparition d’une forme compacte saisissable et à la difficulté de formuler des points permettant une vue d’ensemble On se trouve alors devant un type de paysage qui, véritablement, n’existe plus.

-NS