G8, Evian 2003

Le sommet du G8 s'est déroulé du 01 au 03 juin 2003 dans la station thermale française d'Evian, à proximité des villes suisses de Genève et de Lausanne.

En Suisse, les questions de fonds en jeu dans cette manifestation ont été très largement occultées par la problématique budgétaire et sécuritaire.

En effet, les principaux médias helvétiques ont massivement traité des questions organisationnelles (sécurité) et budgétaires (remboursements) qui sont étroitement associées aux actes de violence et aux déprédations.

On peut dire ainsi, que si les acteurs politiques et économiques directement impliqués dans ce Sommet sont restés d'une grande discrétion dans les médias, il en va différemment pour les mouvements contestataires et les forces de sécurités (de sérénité dirait J.-F. Carenco, Préfet de Haute-Savoie) qui ont occupé une place prépondérante par le fait, simplement, qu'ils représentaient la meilleure efficience médiatique possible du fait de leur potentiel de violence.

Comme le relève avec intelligence et clarté Sébastien Salerno - chercheur à l'UniGE - dans son étude sur la médiatisation de la mobilisation anti-G8, les médias suisses romands sont largement impliqués dans la perception faussée de cet événement par le grand public.

En effet, si la campagne médiatique a été lancée avec impatience par les journalistes plusieurs semaines avant-même l'ouverture du Sommet, elle a immédiatement porté sur les aspects organisationnels de la manifestation et qui concernaient avant tout l'arsenal policier et militaire mis en oeuvre afin de contenir et gérer les mouvements contestataires.

Les forces de polices des Cantons suisses concernés ont naturellement sur-joué les risques en visant une couverture maximale de la surchage de travail prévue et une optimisation de leur arsenal répressif. Au fil des conférences de presses des différents services de polices et de leur responsable politique respectif, la nature du danger a commencé à se dessiner sous la forme de véritables armées de manifestants et de casseurs arrivées de l'Europe entière pour fondre sur les paisibles bourgades du bord du Lac.

C'est alors que de très nombreux commerçants, fortement ébranlés par les débordements annoncés par les médias, les organes de police et leurs associations professionnelles, ont aussi compris qu'aucun plan spécial de remboursement n'était prévu en cas de vandalisme. Ce débat a d'ailleurs été longuement traité, avec pour toile de fond les revendications adressées par le gouvernement suisse et les Cantons à l'Etat français, hôte de la manifestation.

Cette sur-représentation et donc sur-perception d'un danger pour les corps mais surtout pour la propriété, associées à une méfiance fondée à l'encontre des sociétés d'assurance comme des pouvoirs publiques, ont pris une forme tout-à-fait extravagante et, pourrait-on dire, unique et originale en terme de matérialisation du sentiment de peur, dans le cadre de l'espace publique.

En effet, contredisant toutes les règles du commerce et transformant radicalement le visage de la ville, de très nombreux commerçants ont choisi de protéger intégralement leurs vitrines, donnant à des rues entières l'apparence de bunkers.

Cet espace dédié à une communication publicitaire envahissante qu'est la rue piétonne, ce lieu faussement convivial, s'est vu brusquement réduit au silence et à l'oubli.

Pourtant, quelques minutes après leur installation, ces palissades de la peur se couvraient de messages et de dessins, formant un réel espace dédié à l'expression publique.

-NS

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